Un jour, que je me promenais, j’ai trouvé au bord du chemin une petite plume. Je la trouvais si jolie, blanche, toute douce, que je l’ai ramassée. Elle était certainement sur le dos d’un oisillon, avant d’être là.
Comme un trésor trouvé sur le chemin, je l’ai mise dans ma poche.
Je continuais ma promenade, en l’oubliant complètement…. Quand tout à coup, j’entendis une petite voix :
- Tu veux que je te raconte mon histoire ?
Surprise, je m’arrête. Je regarde de tous les côtés…Je n’y vois personne…juste des arbres, des buissons
La petite voix repris :
- Je suis là dans ta poche…veux-tu connaître mon histoire ?
- Quoi, c’est toi…la petite plume que j’ai ramassée ? C’est bien toi qui me parle ?
- Mais oui c’est bien moi…alors tu la veux mon histoire ? enfin pas vraiment la mienne, mais celle de l’oisillon sur lequel j’ai grandi. Tout compte fait c’est aussi un peu la mienne, j’étais avec lui jusqu’à ce qu’il ose prendre son envol…
Bien sûr que je la veux…Je m’assied en bordure de forêt sur un tapis d’herbe toute tendre, réchauffée par le soleil, la petite plume posée dans le creux de ma main…je tends l’oreille pour l’écouter…
… Il y a déjà quelques semaines que Maman et papa oiseau préparent un nid, avec beaucoup d’amour pour accueillir leurs petits. Ils cherchent tout ce qu’il y a de plus doux. Ils le construisent solide pour qu’il résiste au vent, à la pluie…et aussi, bien sûr, assez haut pour échapper aux prédateurs…
Maman oiseau met au monde 4 oisillons, enfin pour le moment, se sont quatre œufs qu’elle dépose dans ce nid douillet, Parmi ceux-là, il y a Vermeille, sur lequel j’ai grandi…
Que la vie est agréable dans cet œuf… Vermeille, à l’intérieur de ce cocon se sent en parfaite sécurité. Il se développe tous les jours un peu plus…. Mais… plus il grandit, moins il a de place… si cela continue, ce petit coin de paradis va devenir trop petit…
Un matin il entend des petits craquements à côté de lui. Ce sont ses frères et sœurs, qui ont commencé à casser leur coquille.
Il sent que s’il ne s’y met pas, lui aussi, tôt ou tard il va étouffer… c’est une question de survie.
Alors courageusement, avec son petit bec, il tape sur cette coquille pour créer un petit trou… c’est long… Parfois le découragement le prend, il trouve cette enveloppe beaucoup trop solide. Il sent le découragement l’envahir. De plus, dans ces moments, une petite voix dans sa tête lui répète…Je ne suis pas capable…Je ne vais jamais y arriver…
Oh là là ! comme j’aimerais l’aider, moi, la petite plume toute minuscule sur son dos. Pourtant, je sais qu’il a la force d’y arriver puisqu’il est né oiseau…Je sais aussi que la Grande Vie l’accompagne pour ce passage.
Heureusement, son envie de vivre est plus forte que ces peurs…après un dernier gros effort, il se retrouve dehors…
Ouah ! Quel régal ! en brisant sa coquille, il a trouvé… la liberté.
Un sentiment de joie l’envahit…Que c’est bon d’avoir réussi.
Il est tout heureux de cette nouvelle vie qui commence. Une vie qu’il découvre merveilleuse. Il est nourri, protégé. Il est bercé par les piaillements mélodieux de sa maman. Parfois bien sûr, il se chamaille avec ses frères et sœurs, ou encore, il a peur les jours de gros vent que la branche de l’arbre sur lequel il se trouve ne se casse… Heureusement ses parents sont toujours là pour le rassurer et pour lui redonner confiance.
Cependant, au fond de lui, Vermeille sait que cette façon de vivre ne va pas durer…. Il n’est pas né pour rester dans un nid. D’ailleurs, il sent, comme dans sa coquille, que ce nid devient trop petit. Ces quatre oisillons, grossissent, grandissent, prennent de plus en plus de place.
De plus, Les plumes de bébés, dont je fais partie, partent pour laisser place à des plumes de grands oiseaux.
Par chance je suis restée dans le nid, j’ai bien envie de découvrir que va devenir mon petit oisillon.
Un soir leur papa leur annonce que demain ils vont apprendre à voler.
Alors là, c’est la panique à l’intérieur de Vermeille. Il voyait bien ses parents ouvrir leurs ailes et quitter le nid en s’envolant dans le vide, mais ce n’était pas pour lui…
Autant dire que toute la nuit des pensées tournent dans sa tête, il n’arrive pas à trouver le sommeil… Je ne vais pas y arriver… je vais m’écraser par terre…je ne suis pas né pour ça…
Au matin il entend son papa :
- Alors mes oisillons, prêt pour la première leçon ?
Il est loin de se douter qu’un de ces petits s’est laissé envahir par la peur.
Il leur apprend à bouger leurs ailes, à s’envoler jusqu’au bord du nid…puis sur la branche d’à côté… Ses frères et sœurs, tout excité à l’idée de pouvoir voler, rigolent, s’amusent, font des essais et s’envolent toujours un peu plus loin… sous le regard attentif de leur père
Vermeille est le seul à hésiter. Il se contente de se poser sur le rebord du nid.
Il trouve cela trop, trop, horrible. Il y a le vide qui l’attend, il s’imagine déjà tout écrabouillé par terre.
Heureusement papa a de la patience. Il rassure son petit oisillon et lui dit que cela ira certainement mieux demain…
Mais le lendemain il n’a pas plus de courage, ni le jour d’après, ni le suivant… Papa commence à perdre patience
- Vermeille tu es un oiseau, tu as des ailes tu es fait pour voler… Fais un effort…
- Non pas question de me jeter dans le vide, j’ai décidé… je resterai toute ma vie, un oiseau de nid
Ses parents ne savent vraiment plus que faire
Alors là, moi la petite plume, je me dis qu’il faut que je l’aide…
Ce n’est pas possible de rester dans un nid toute sa vie. Il va mourir d’ennui. De plus, ce nid, même si ses parents en prennent soin, commence à s’effilocher, il ne va pas durer encore longtemps. Soudain, j’ai une idée… la nuit prochaine, je vais me glisser dans ses rêves…et voilà…
Pendant son sommeil je lui chuchote :
-Vermeille tu es un oiseau, tu es fait pour voler, tes parents le savent bien. Tu as la force au fond de toi pour y arriver…. Rappelle- toi quand tu as brisé ta coquille, la joie et le sentiment de liberté que tu as ressentie, je suis certaine que cela sera pareil quand tu oseras t’élancer… De plus, tu ne t’élances pas dans le vide, le vide n’existe pas… l’air est là pour te porter, t’accompagner…
Regarde…
Et dans son rêve… il prend son envol… il s’élance dans ce qu’il croyait être le vide… Il est soutenu… Il virevolte d’un côté, de l’autre… il se sent tout heureux, libre…
Au réveil Vermeille n’est plus le même. Son rêve est encore très présent à l’intérieur de lui… Il a encore quelques peurs, quelques doutes, mais il n’a aucune envie de les laisser prendre toute la place…. Son regard a changé… Il pense surtout à la liberté qu’il va découvrir… Il se sent prêt à apprendre, au grand plaisir de son papa…
Timidement d’abord, sur la branche d’à côté, puis un peu plus loin… et puis… Le grand saut… s’élancer dans… le vide…
Et c’est vrai…ce n’est pas le vide qu’il rencontre, comme dans son rêve, l’air est là pour l’accompagner, pour le soutenir.
Quel régal… ! Et pour moi aussi quelle joie de pouvoir assister au premier vol de mon petit oisillon.
Et voilà, un jour il n’est pas revenu vers son nid… il a pris son envol pour de bon… Il a commencé sa grande vie d’oiseau…
Quant à moi, un coup de vent m’a emporté et déposée sur le bord du chemin où tu m’as trouvée et tu peux me prendre avec toi, si tu en as envie
Touchée par cette histoire… m’imaginant le courage que Vermeille a dû avoir pour son premier vol… je remerciais la petite plume et la remit avec beaucoup de précaution dans ma poche.
Elle m’accompagne toujours et quand j’ai besoin de courage je pense à Vermeille… Parfois j’ai même l’impression d’entendre cette petite plume me murmurer :
- Tu n’es pas tout seul, tu es toujours accompagné… le vide n’existe pas…